Tuesday, September 13, 2011

Zone euro en panique : trois solutions décapantes pour sortir de cette crise

in Le Nouvel Observateur
12/09/2011

Alors que les perspectives de dégradations de la note des banques françaises suscitent une nouvelle et forte correction en Bourse, trois économistes, tous parfaits connaisseurs de la sphère financière, donnent leurs solutions pour sortir de la crise.

1)Patrick Artus, Directeur de la recherche de Natixis : "Provisionner raisonnablement les dettes souveraines"


"On ne peut camper éternellement sur la position visant à dire que les marchés ont tort dans leur évaluation des risques souverains. On ne peut davantage dire que les marchés ont raison, quand ils estiment exagérément, via les fameux CDS, les risques de défaut des Etats. Il faut donc réfléchir à une politique raisonnable de provisionnement des risques souverains dans les bilans des banques. Sans exagérer, et notamment en excluant la référence aux CDS, ce qui serait une absurdité : on ne va pas provisionner 10 % de la dette allemande ou 20 % de la dette française ! Alors qu’est-ce qui est raisonnable ? C’est à voir avec le régulateur et les commissaires aux comptes : par exemple 7 à 8 % sur l’Italie (quand la logique des marchés irait bien au-delà). Une telle démarche enverrait un signal au marché, et serait gage de transparence.

Concernant leurs fonds propres, il faut également faire un signe. Mais il n’est pas raisonnable de faire des augmentations de capital en ce moment, alors que les banques valent la moitié de leur actif. Une solution pourrait être d’émettre des « Cocos » (convertible contingent bonds), ces nouveaux titres qui sont des « quasi-fonds propres » et peuvent être levées, et converties en actions si la banque le juge nécessaire. Lloyds TSB, Rabobank et Crédit Suisse l’ont fait, et s’en sont très bien portés."

2) Thomas Philippon, Professeur à Stern, New York University : "Organiser une recapitalisation non discrétionnaire"

"Je ne suis pas convaincu que les marchés ou le FMI aient raison concernant la faiblesse en capital des banques européennes. Mais dans l’incertitude, je trouve sage d’appliquer le principe de précaution. Car les inconvénients à se montrer trop pessimiste aujourd’hui sont triviaux, comparés à ceux, énormes, d’avoir été trop optimiste. Le risque est tellement asymétrique qu’il ne faut pas hésiter : et s’il faut rendre du capital aux actionnaires dans deux ans parce que les banques ont un peu trop de fonds propres, quelle importance…

Reste à savoir comment procéder. Il faut absolument éviter qu’un établissement, parce qu’il appliquerait, le premier, le principe de précaution, se fasse flinguer par les marchés. Tout le monde doit donc se recapitaliser en même temps, sous l’autorité du régulateur. L’objectif serait le même pour tous les établissements : par exemple relever ses fonds propres d’un certain pourcentage, en un certain laps de temps. Ce ne serait pas discrétionnaire. Les établissements ne garderaient que la liberté de choisir les moyens pour y parvenir : réduction de dividendes, baisse de salaires variables… Les banquiers se plaindront. Mais tout le monde espérera avoir eu tort dans deux ans."

3) Olivier Pastré, Economiste, auteur de On Nous ment (Fayard) : "Revoir Bale III de toute urgence"

"Je ne vois pas de détérioration du bilan des banques européennes par rapport à la situation prévalant avant l’été. A moins bien sûr que l’on décide soudain de faire 20 % de provisions sur les créances européennes…

Je ne veux pas dire qu’il ne reste pas de cadavres dans le bilan des banques, mais je trouve les déclarations de Christine Lagarde particulièrement inadaptées. Ce qui me gêne dans le message du FMI se focalisant sur une augmentation des fonds propres, c’est que Lehman Brothers n’avait pas de problème de fonds propres avant sa faillite en 2008.

Je suis par contre d’accord avec l’idée qu’il faut surveiller les banques comme le lait sur le feu, ce que la crise aurait dû nous apprendre. Mais les normes qui ont été mise en place par les régulateurs de Bâle III, de Solvency II, et les comptables de l’IASB, ayatollahs de la valorisation aux prix du marché, sont à revoir de toute urgence. Elles sont totalement inadaptés à une période de crise, car elles ont des effets pro-cycliques. Tout cela contribue au ralentissement de l’activité des banques, alors que jamais les économies n’ont eu autant de besoin de financements à destination des PME qui créent de l’emploi."

No comments:

Post a Comment