Le bonheur est-il une vue de l'esprit ? (part 2)

Auteur : André Comte-Sponville
in "Le Bonheur Désespérément", Editions Pleins Feux

"S'il est vrai que l'on est d'autant moins heureux que l'on espère davantage le devenir, il est vrai aussi que l'on espère d'autant moins le devenir que l'on sait davantage l'être déjà. Le contraire d'espérer, ce n'est pas craindre, comme on le croit communément. Spinoza a raison : "Il n'y a pas d'espoir sans crainte, ni de crainte sans espoir".
(...)
"Le contraire d'espérer, ce n'est pas craindre; le contraire d'espérer, c'est savoir, pouvoir et jouir. C'est aussi ce que l'on appelle le bonheur, qui n'existe qu'au présent. C'est aussi ce que l'on appelle l'amour, qui ne porte que sur le réel.

C'est la croisée des chemins. Le désir est l'essence même de l'homme; mais il y a trois façons principales de désirer, trois occurrences principales du désir : l'amour, la volonté, l'espérance.

Quelle différence y a-t-il entre l'espérance et la volonté ? Il y a désir dans les deux cas. Mais l'espérance est un désir qui porte sur ce qui ne dépend pas de nous; la volonté, un désir qui porte sur ce qui en dépend.

Quelle différence y a-t-il entre l'espérance et l'amour ? Dans les deux cas il y a désir. Mais l'espérance est un désir qui porte su l'irréel; l'amour est un plaisir qui porte sur le réel.
(...)
"Nous n'espérons que ce qui n'est pas; nous n'aimons que ce qui est."