Arnaud Ruyssen : C’est la planète finance qui va finir
par attirer l’attention sur l’enjeu de la planète tout court ?
Bruno Colmant : Ah bien sûr parce qu’en économie de
marché c’est finalement le prix qui est le meilleur régulateur. Donc c’est un
prix qui va devoir tenir compte des effets du dérèglement climatique comme par
exemple la raréfaction de certaines matières, la volatilité des récoltes, les
variations de prix importantes. Mais il y a un point important qui a été cité
en matière de réassurance. En fait la réassurance va peut être devenir
impayable parce que le risque ne sera plus assurable. On peut assurer un risque
qui est diversifiable mais si toute la planète est frappée par des catastrophes
qui arrivent de manière plus ou moins erratiques alors ce coût-là va augmenter,
cela veut dire que le coût de la réassurance augmentera, que le coût de l’assurance
de base augmentera aussi et cela va donc conduire à une augmentation de prix qui
se retrouvera dans toute la chaîne de formation de valeur.
Arnaud Ruyssen : Cela veut dire pour le consommateur qu’il
pourrait un jour ne plus s’assurer contre les catastrophes naturelles ?
Bruno Colmant : Peut-être mais cela voudra dire aussi
que son assurance dommages, c'est-à-dire l’assurance-maison et c’est le cas depuis
plusieurs années, sera plus chère : les prix ont d’ailleurs fort augmenté
notamment pour couvrir ces risques de catastrophes naturelles. Alors il y a des
années qui sont heureuses dans nos pays, malheureusement pas dans d’autres, il
y a moins d’éléments climatiques, parfois il y en a un peu plus mais quoiqu’il
en soit si le niveau global, mondial, augmente, ces réassureurs qui sont des
entreprises mondiales, puisqu’elles doivent elles-mêmes couvrir plusieurs
continents et de larges surfaces, vont répercuter cela dans les prix de l’assurance.
Arnaud Ruyssen : Cela veut dire que politiquement il y
a urgence et qu’aujourd’hui on manque de courage et de remises en question
politiques sur ces enjeux de long terme ?
Bruno Colmant : Je crois que malheureusement ce sont des
causes qui sont trop diffuses dans l’impact individuel pour que des actions
décisives soient prises au niveau politique. Et c’est ça le problème du climat.
On se souvient des sommets de Copenhague et autres : au-delà des bonnes
intentions, tant que l’on n’est pas impacté dans son propre patrimoine, on a
moins de réaction et on a l’impression que le problème est dilué dans des
grandes masses d’individus et c’est ça qui est bien-sûr malheureux.
Arnaud Ruyssen : Arnaud Zacharie ?
Arnaud Zacharie : oui moi ce qui me dérange le plus c’est
qu’en effet on découple tous le temps les problèmes économiques et les
problèmes environnementaux alors qu’ils sont évidemment intimement liés. Que
même quelque part on a des réponses pour de nouveaux paradigmes. On parle par
exemple de l’économie circulaire, d’avoir de nouveaux modes de production qui
vont chaque fois recycler des ressources naturelles pour que l’on ait une
production moins gourmande en ressources naturelles. Certains parlent d’économie
de fonctionnalité, c'est-à-dire inciter des producteurs de produire des biens
avec une espérance de vie la plus longue possible et, plutôt que de les vendre
définitivement, de les louer (par exemple le système Cambio à Bruxelles pour
les automobiles). Donc ce sont des innovations qui peuvent créer des nouvelles
formes de prospérité, de nouveaux types d’emploi, des nouvelles formes de
technologies, donc de sortir de cette crise économique qui pour moi est une
crise structurelle, une mutation structurelle, de sortir par le haut, par de
nouveaux paradigmes économiques.
Source : Emission "CQFD", La Première, RTBF, le 14/11/2013
Source : Emission "CQFD", La Première, RTBF, le 14/11/2013
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