" L'espérance est une responsabilité : c'est un travail sur soi "

Source : La Première (Radio RTBF); "Et Dieu dans tout ça ?", 03/05/2015, Interview d'Abdennour Bidar à l'occasion de la sortie de son livre "Plaidoyer pour la fraternité"

(...)

" Je pense qu’il est important qu’il y ait, de l’intérieur, des voix qui osent critiquer l’Islam mais qui montrent également, à partir de là, à nos sociétés occidentales que l’Islam, ce n’est pas un concentré de certitudes figées. L’Islam, c’est une diversité et il y a, dans l’islam, des voix (et je ne suis pas la seule) qui sont capables de réclamer un Islam régénéré, un Islam repensé, un Islam qui a fait, entre guillemets, « le ménage » entre ce qui, dans la tradition, est archaïque et ce qui, au contraire, peut faire l’objet encore d’une fidélité.

(…)

Un Islam confiant qui veut inspirer la confiance de façon sincère. J’ai une confiance extraordinaire dans la capacité de cette civilisation, non seulement à se régénérer elle-même, mais à entrer dans une logique de contribution à nos plus grands défis de société et de civilisation. Pour moi, le plus grand de ces défis, au moins en Occident, c’est ce que l’on a appelé (c’est comme cela que le disait Marcel Gauchet et avant lui Max Weber) le désenchantement du monde. Nous sommes les fils, en ce début de XXIième siècle, d’un monde désenchanté.

L’Islam peut contribuer à ré enchanter le monde par un certain nombre d’héritages spirituels comme celui de la fraternité. C’est-à-dire que si nous ouvrons aujourd’hui le temps de la fraternité, alors nous nous donnons une chance concrète de ré enchanter le monde c’est-à-dire de lui donner un horizon à la fois d’unité et d’espérance. D’unité parce que nous avons tous quelque chose à apporter. Je vais employer une image un peu triviale : c’est comme un grand pic Nic. Qu’Est-ce que c’est qu’un pic nic ? C’est un moment de convivialité, de retrouvailles, où chacun apporte quelque chose. Parce qu’il y a dans chacun des héritages des trésors de fraternité que chacun peut apporter et mettre dans le pot commun pour que, enfin, nous nous retrouvions autour de quelque chose. Si, dans ces pic nics, certains veulent boire du pinard et manger du saucisson, d’autres seront là pour offrir des gâteaux, des gâteaux marocains par exemple, ou des gâteaux tunisiens : l’important, ce n’est pas ce que l’on mange, l’important c’est que l’on vive ensemble et que l’on ait quelque chose à partager, pas seulement dans l’assiette mais au niveau des cœurs.

L’espérance est une responsabilité, cela aussi c’est un travail sur soi. Moi, quand j’avais 20 ans, comme beaucoup d’adolescent, j’étais en guerre contre la société, contre le monde, etc. J’ai fait un travail sur moi-même, j’ai appris à avoir les raisons d’espérer dans notre monde qui parait pourtant si désenchanté. Et en travaillant, en ne me repliant pas sur moi, en allant vers les autres, en discutant avec tout le monde, avec des musulmans, avec des non-musulmans, en me nourrissant de mes héritages religieux côté musulman, en me nourrissant aussi de ma culture philosophique occidentale, eh bien miracle … mais un miracle qui se construit années après années, j’ai appris à espérer. Et plus je vieillis, plus je suis optimiste.

Bon espérance à tous "